Institut Universitaire Elie Wiesel

Ethique du travail et morale du judaïsme

Colloques et séminaires : « Ethique du travail et morale du judaïsme »

                                                          

 Présentation

 

Le programme Ethique du travail et morale du judaïsme a été conçu par Raymond DANZIGER, professeur émérite en Sciences de gestion à l’université Paris Dauphine et Président de la Fondation Martin BUBER.  Cette institution porte le nom du philosophe et théologien Martin BUBER (1878-1965) qui considérait le questionnement et le dialogue comme deux qualités fondamentales du judaïsme, estimant qu’il n’y avait pas d’antinomie entre introspection et ouverture à autrui, entre identité juive et implication dans  la vie de la Cité.

La Fondation Martin BUBER (abritée par la Fondation du Judaïsme français) souhaite mener une réflexion croisée entre « les événements-symptômes », caractéristiques d’un malaise ambiant et la pensée juive. L’Institut Elie WIESEL, seule institution française entièrement consacrée à l’enseignement supérieur de la civilisation du judaïsme,  entend s’associer à cette démarche et servir de support aux colloques et grandes leçons destinés à diffuser les débats qu’il aura organisés.

 Le  constat qui a servi de point de départ à cette initiative est le suivant :

- la crise actuelle n’est pas un événement cyclique, un creux dans une sinusoïde qui connaît des hauts et des bas. Elle a engendré trop d’insatisfactions et de souffrances pour que soit envisagé le retour à l’état antérieur.  Les excès des uns et le malheur des autres appellent un autre modèle que celui qui est issu de la financiarisation de l’économie et qui régit non seulement le comportement des entreprises, mais aussi celui des Etats.

- des voix se font entendre pour préconiser une renaissance de la morale. Des initiatives alternatives se multiplient : des coopératives, des organisations sans but lucratif, des entreprises philanthropiques luttent contre la dégradation de la nature et cherchent à rétablir le lien social. Dans un élan vertueux, le Législateur vote la transparence des patrimoines et des revenus.

Mais ces mesures respectables et parfois efficaces ne peuvent endiguer que marginalement  la crise morale, conséquence de la crise financière. Pour canaliser la soif de s’enrichir et rétablir le respect d’autrui, il semble que le judaïsme soit en mesure d’enrichir notre réflexion. La Loi et ses commentaires définissent en effet les obligations à l’égard de l’autre, étranger ou autochtone, pauvre ou nanti,  agresseur ou victime.

Cette approche sur les conséquences du néo-libéralisme n’est pas la manifestation d’un « humanisme mou », aussi répandu qu’inopérant. Kertesz n’écrivait-il pas : « j’ai encore assez de sentiments humains pour ne pas être humaniste » ?

Avant de détailler la forme novatrice de cette réflexion, un état des lieux s’impose :

La crise qui sévit depuis 2007-2008 se traduit par une panne de croissance. La stagnation, si ce n’est la récession, arase les revenus, réduit les bénéfices des entreprises et asphyxie les équilibres budgétaires de la plupart des pays occidentaux. Il s’ensuit que le retour d’un temps où le produit intérieur brut progresse est considéré comme un temps idyllique où le chômage sera résorbé, le pouvoir d’achat relancé, les finances publiques assainies.

Cette chaîne de causalités a vu le jour dans les années 50 et a connu un prodigieux essor à partir de l’arrivée au pouvoir des tenants du néo-libéralisme. Le postulat implicite du processus qui s’est répandu à la surface du globe repose sur l’idée que gagner plus permet de consommer plus et d’être plus heureux, une corrélation étant supposée exister entre avantages matériels et bonheur.

Dès lors, l’objectif assigné à l’entreprise, moteur de la croissance, est de maximiser sa performance. Il est, certes, souhaitable que ses employés soient satisfaits, mais sa vocation première  n’est pas de  fabriquer du bonheur ; elle doit en premier lieu rémunérer les capitaux investis.

La logique industrielle laisse la place à la logique financière. La rentabilité devient l’indicateur de référence pour la firme, les salariés, les décideurs du domaine public. L’appât du gain, l’individualisme, l’urgence s’imposent ; l’intégrité, la loyauté, le respect de l’autre  se délitent. L’abolition des frontières commerciales conduit à une inversion des valeurs : alors que la volonté politique guidait  les variables économiques, ce sont maintenant les lois du marché qui contraignent l’action politique.

La Fondation Martin BUBER et l’Institut Elie WIESEL ont conscience qu’il serait vain de susciter des interventions similaires aux multiples conférences et journées d’étude qui se succèdent depuis que la crise a dépassé sa dimension économique. C’est pourquoi, ils  ont pour ambition de « croiser les regards », afin de modifier le prisme à travers lequel se manifestent la pensée et l’action. Les intervenants (philosophes, historiens, économistes, sociologues,…) seront invités, chacun dans son domaine, à faire une double lecture :

- la première, un peu à la manière de Roland BARTHES dans Mythologies, de déchiffrer idéologiquement des « faits divers » socio-économiques  qui nous semblent symptomatiques.

Quelques exemples :

-Que révèle le projet d’EUROSTAR de faire rouler dans le tunnel sous la Manche des trains conduits par  un seul conducteur au lieu de deux ? (RYANAIR a envisagé de faire piloter ses avions par un seul pilote, l’informatique assurant la sécurité de l’avion)

- MATTHIAS BRÜMMER, responsable régional du syndicat allemand de l’alimentation NGG (ancien ouvrier dans les abattoirs) : «… Au fil des ans, les nationalités évoluent, mais le scénario reste le même : un salaire de misère qui frise parfois 2 à 3 € de l’heure et des conditions de logement indécentes. Il y a quelques semaines, j’ai été alerté par un Espagnol employé dans une découpe de volailles qui n’avait pas : reçu son salaire…L’industrie trouve toujours ce qu’elle veut là où la misère est la plus grande »  Le Monde Eco et Entreprise (17. 09.13, p. 4).

 

- la seconde, partant d’un texte extrait de la Torah ou du Talmud ayant un  rapport avec le sujet.

Exemples :

« N’opprime pas  ton prochain, ne le vole point : que le salaire du journalier ne passe pas la nuit avec toi jusqu’au matin » (Lev. 19.13) ;

« Tu n’opprimeras pas le journalier, pauvre et indigent, qu’il soit de tes frères ou un étranger, qui est dans ton pays, dans tes portes. Le jour même tu lui donneras son salaire, avant que le soleil  se couche ; car il est pauvre et pour ce salaire il s’est donné tout entier »  (Dt.24.14-15)

 

Cet éclairage, double et inhabituel, donnera naissance à une réflexion créative. Un colloque d’ouverture cherchera à expliquer pourquoi et comment le modèle économique actuel est régi par une pensée unique. Quatre séminaires exploreront diverses facettes de la situation présente pour aboutir au colloque de clôture dont la vocation est de préconiser  des modalités nouvelles dans l’exercice des responsabilités de chacun.

 

Les colloques ainsi que les séminaires se tiendront dans les locaux du Centre Communautaire Juif de Paris, 119, rue Lafayette, Paris 10e

 

 

Bibliographie des intervenants  

Gilles Bernheim : Un rabbin dans la Cité, Calmann-Levy, 1997 ; Le Souci des autres au fondement de la loi juive, Calmann-Levy, 2002 ; Réponses juives aux défis d’aujourd’hui, Textuel, 2003 ; Le Rabbin et le cardinal, avec le cardinal Philippe Barbarin, Stock, 2008 ; N’oublions pas de penser la France, Stock, 2012

Jean-Marc Daniel : La politique économique, Coll. Que sais-je, PUF, 2008 ; Histoire vivante de la pensée économique, des crises et des hommes, Pearson, 2010 ; Le Socialisme de l’excellence, Combattre les rentes et promouvoir les talents, avec Henri Sterdyniak, François Bourin, 2011, Présidence Sarkozy : quel Bilan ?, Prométhée, 2012 ; Huit leçons d’histoire, Odile Jacob, 2012

Jean-Pierre Dupuy : Ethique et philosophie de l’action, Ellipses 1999 ; Les Savants croient-ils en leurs théories ? INRA, 2000 ; Avions-nous oublié le mal ? Penser la politique après le 11 septembre, Bayard, 2002 ; Pour un catastrophisme éclairé, Quand l’impossible est certain, Seuil, 2004 ; Petite métaphysique des tsunamis, Seuil, 2005 ; Retour de Tchernobyl, Journal d’un homme en colère, Seuil, 2006 ; La marque du sacré, essaie sur une dénégation, Carnets nord, 2009 ; Dans l’œil du cyclone, colloque de Cerisy, Carnets nord, 20009 ; L’Avenir de l’économie : Sortir de l’écomystaification, Flammarion, 2012

Vincent de Gaulejac : La Névrose de classe, Hommes et Groupes ; 1987 ; Les Sources de la honte, Points, 2011 ; L'Histoire en héritage, Payot, 2011, La Société malade de la gestion, Points, 2009 ; Travail, les raisons de la colère, Seuil, 2011 ; Manifeste pour sortir du mal être au travail, DDB, 2012

Yona Ghertman, La Loi Juive dans tous ses états, de l’actualité du droit rabbinique à notre époque, Lichma, 2013

Pierre-Yves Gomez : Qualité et théorie des conventions, Economica, 1994 ; Le Gouvernement de l’entreprise, InterEditions, 1996 ; La République des actionnaires : le gouvernement des entreprise entre démocratie et démagogie, Syros, 2001 ; L’Entreprise dans la démocratie, De Boek, 2009 ; Le Travail invisible, Enquête sur une disparition, François Bourin, 2013

Armand Hatchuel : Co-auteur de L’Expert et le Système, Economica, 1992 ; Les Processus d’innovation, Hermès, 2006 ; Les Nouvelles Fondations des sciences de gestion, Vuibert, 2008, L’activité marchande sans le marché, Presses de l’École des Mines, 2010 ;  Refonder l’Entreprise avec Blanche Segrestin, La République des Idées, 2012

Haim Korsia, Etre Juif et Français, Jacob Kaplan, le rabbin de la République, Ed. Privé, 2006 ; A corps et à Toi, Actes Sud, 2006 ; La Kabbale pour débutants, Trajectoire, 2007 ; Les enfants d’Abraham, Un chrétien un juif et un musulman dialoguent, avec Alain de la Morndais et Malek Chebel, Presses de la Renaissance, 2001

Christian Larose : Violences au travail : agressions – Harcèlements – Plans sociaux, avec Michel Debout, VO éditions, 2003 ;  Itinéraire d’un syndicaliste, Un parcours accidenté,  Pascal Galodé, 2012.

Roland Perez, La stratégie dans tous ses états : Mélanges en l’honneur du professeur Michel Marchesnay, avec Yves Morvan et Colette Fourcade, Gilles Pache, EMS, 2006 ;  La Gouvernance de l’entreprise, La Découverte, 2009 ; Agro-ressources et écosystèmes : enjeux sociétaux et pratiques managériales, avec Bernard Christophe, Gilles Demailly, Septentrion, 2012

Henri Vacquin : Paroles d’entreprises, L’Epreuve des faits/Seuil, 1986 ; Mes acquis sociaux (Le Seuil 2008)