Institut Universitaire Elie Wiesel

Séminaire 2

«Bowling alone» (Se retrouver seul au bowling) (R.D. PUTNAM, 2000).

Les nouvelles conditions de travail conduisent à exalter la performance individuelle au détriment du lien social. La commémoration des événements festifs et les réunions syndicales tombent en désuétude, la compétition l’emporte sur la coopération, la défiance sur la confiance, la précarité sur la stabilité. La prescription biblique : « Ne régente pas (ton frère) avec rigueur » (Lev. 25.43) perd son sens et devient obsolète.
Intervenants :

•    Arié Flack, dirigeant d’un Etablissement financier

•    Yona Ghertman, docteur en Droit, rabbin de Cagnes-sur-Mer (Alpes Maritimes) : L’individualisation du travail
Depuis la fin des années 1970 se sont multipliées les mesures relatives à l’individualisation du travail dans les entreprises : individualisation des salaires, des formations, plannings ajustés en fonction des différents salariés de l’entreprise. Si nous ne nous prononçons pas sur l’apport de ces nouvelles méthodes quant à leur productivité, il nous semble en revanche qu’elles négligent l’épanouissement humain au sein de la collectivité, en multipliant les situations de solitude.
Or, la Torah s’oppose à ces situations, comme Dieu l’annonce dès le second chapitre de la Genèse : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide à ses côtés » (Genèse 2, 18). Au-delà du contexte de ce verset, relatif à la création de la femme aux côtés de l’homme, se trouve affirmé le principe de complémentarité. L’absence de communication va à l’encontre de la nature humaine, comme le souligne le Talmud dans un texte a priori obscur que nous présenterons et commenterons : « Quelle est la signification de ce verset : cette fois-ci, c’est un os provenant de mes os, et une chair provenant de ma chair (Genèse 2, 23) ? Cela nous enseigne qu’Adam est allé vers chaque animal, mais que son esprit ne s’est pas apaisé jusqu’à ce qu’il aille vers Eve » (TB Yebamot 63a).

•    Roland Perez, professeur des universités : La gestion des biens collectifs
La notion de biens collectifs et leurs modalités de gestion et de gouvernance ont été longtemps ignorées en raison du postulat considérant l’économie à partir d’un paradigme individuel et ses conséquences (maximisation de fonctions d’utilités, propriété privée, marché autorégulateur….) Le seul paradigme alternatif paraissait centré sur la prégnance de l’Etat et ses conséquences (organisation centralisée, propriété publique, réglementation…).
 Un nouveau regard porté aux biens collectifs doit beaucoup aux travaux menés par Elinor Ostrom (1933-2012, Prix Nobel d’Economie 2009) et Vincent Ostrom (1919-2012) et le collectif de chercheurs qu’ils ont formé « The Bloomington School ». Les études sur la gestion/gouvernance des biens collectifs se caractérisent par une multiplicité de terrains - des ressources naturelles aux biens informationnels en passant par les services publics territorialisés – et une multiplicité de méthodes (des études de cas à l’économie expérimentale en passant par les modélisations multi-agents).
Ces travaux constituent un outil utile pour appréhender la crise écologique, les technologies du vivant, l'émergence des réseaux numériques et du savoir immatériel qui fondent, ce qu’il est convenu d’appeler « La Troisième Révolution  industrielle » (J. Rifkin, 2011). Celle-ci appelle de nouveaux modèles économiques fondés sur de nouvelles méthodes d’organisation du travail humain, privilégiant le lien social, la coopération,  le long terme, par rapport aux modes d’organisation fondés sur la performance individuelle, la rivalité, le court terme. Elle nécessite, par là même de nouvelles formes de management et de gouvernance des organisations productives concernées et participe, par-là, à l’élaboration d’un nouveau paradigme de l’action collective.