Institut Universitaire Elie Wiesel

Redécouvrir la pensée Neher

La société contemporaine est en train de redécouvrir une pensée résolument audacieuse, originale et créatrice : celle du grand philosophe et historien juif français André Neher, l’une des figures majeures de la grande école de pensée juive d’expression française, courant d’idées né en France au lendemain de la Libération, en 1945, avec le projet ambitieux de porter à la connaissance du public de langue française l’héritage d’Israël dans toutes ses formes. La pensée de Néher n’est pas le fruit d’une spéculation narcissique construite dans la solitude d’une tour d’ivoire. Elle est l’expression d’un lien intellectuel et existentiel profond entre Néher et des grandes figures de la France du XXème siècle et du monde contemporain. Parmi ces figures nous trouvons Martin Buber, Emmanuel Lévinas, Nicolas Berdiaïev, Léon Chestov, Emmanuel Mounier, Abraham Joshua Heschel, Gabriel Marcel et Gaston Bachelard, des philosophes de la parole et de la rencontre qui ont mis en valeur la place de la personne dans un univers philosophique trop porté à l’analyse des concepts, des structures, des appareils, des niveaux, et peu concerné par l’existence humaine et la condition de la personne. Ainsi Neher exprime les versants judaïques d’une vision personnaliste où l’homme concret, réel, dont l’existence charnelle et spirituelle est au cœur de cette réflexion.

Pour encourager la redécouverte de l’œuvre du grand auteur, l’Institut Universitaire d’Etudes Juives Elie Wiesel a fondé une chaire universitaire d’études sur la pensée juive contemporaine d’expression française, la Chaire André Néher, sous le parrainage de la Fondation du Judaïsme Français et de la Fondation André et Renée Néher. Les activités de cette Chaire entrent maintenant dans leur cinquième année. Au cours de la première année, c’est la vie et l’œuvre d’André Néher qui ont été étudiées et présentées par différents conférenciers. Ouvrant les enseignements de la première année, le regretté professeur Benjamin Gross, disciple et continuateur du grand maître mit en lumière des aspects souvent méconnus dans l’itinéraire biographique hors pair. Neher, adolescent et jeune étudiant était un admirateur fervent de la culture germanique : la langue, la littérature, l’art, la musique, la civilisation d’autre-Rhin. Il se destinait à l’enseignement de l’allemand dans les lycées français. Il réussit le concourt d’agrégation de l’Université en langue et littérature allemandes. Mais après la guerre en 1945, Néher, survivant des persécutions de l’occupant nazi et de la police de Vichy, change radicalement d’orientation. Il renonce à enseigner la langue de Schiller et Goethe, devenue, hélas, la langue vociférante et mortifère de Rosenberg et Goebbels, la langue des bourreaux nationaux-socialistes. De cette époque date la conviction néherienne du gouffre entre judaïsme et germanisme, un gouffre qui ne pourra être comblé que par une nouvelle génération affranchie du poids terrifiant des anciennes responsabilités historiques. Neher s’engage alors dans les études juives, dans l’enseignement du judaïsme, dans l’effort pour faire connaître la langue hébraïque et l’héritage culturel hébraïque aux nouvelles générations.

La Chaire André Néher proposera cette année une décentralisation des études néhérienne qui auront lieu dans trois sites différents : dans le siège central de l’Institut Wiesel (119, rue La Fayette, 75010 Paris), à l’antenne Universitaire Valles de Marne (Maison de la culture juive de Nogent sur Marne) et à la toute nouvelle Antenne Universitaire de l’Ouest Parisien (75016 Paris).

La pensée juive, vivante créatrice est de retour !

 

Franklin Rausky, Directeur des Etudes de l'Institut