Institut Universitaire Elie Wiesel

Karl Kraus : l’affirmation paradoxale d’une identité juive à Vienne des années 1890 à 1936

Enseignant: 
Année universitaire: 
2015/2016
Modalités: 
Description: 

Karl Kraus accompagne le lancement de sa revue Die Fackel (Le Flambeau ou La Torche), en avril 1899, de quelques gestes de rupture : avec les grands journaux libéraux viennois, dont il ne cessera de souligner que les rédacteurs et les directeurs sont des Juifs; avec Theodore Herzl et le mouvement sioniste, mais aussi avec son milieu d'origine, la confession mosaïque, selon le terme en usage, et la bourgeoisie juive assimilée à la culture de langue allemande. Kraus critique ce qu'il considère comme le parti pris dreyfusard des journaux libéraux viennois, tandis qu'il apprécie Houston Stewart Chamberlain et lui ouvre les pages de sa revue. En 1910, son texte Heine et les conséquences contient plusieurs piques contre le Juif Heine. En 1911, Kraus se convertit au catholicisme sous le signe d'un antimodernisme qui va de pair avec des positions politiques ultraconservatrices. Sous le coup de la Première Guerre mondiale, Kraus change d'attitude et son chef-d'œuvre, Les Derniers jours de l'humanité est un réquisitoire flamboyant contre l'Ancien Régime habsbourgeois qui a mené l'Autriche et l'Europe à un désastre irréparable : mais cette grandiose "tragédie satirique" elle-même contient quelques passages violemment hostiles aux ploutocrates profiteurs de guerre et aux journalistes bellicistes juifs. Aux yeux de Theodore Lessing, Karl Kraus est le représentant de la pathologie sociale et culturelle qu'il appelle "jüdischer Selbsthass", haine de soi juive. Pour d'autres, au contraire, Karl Kraus renoue avec l'inspiration des prophètes qui fustigent la dépravation de leur peuple. Aujourd’hui encore, les jeux de langage anticonformistes, provocateurs et parfois dangereux que Kraus a constamment opposés au "code culturel antisémite" de son époque prêtent à controverse et à malentendu. L'objet de ce cours est d'analyser avec autant d'objectivité que possible une des figures les plus importantes et les plus fascinantes de la vie intellectuelle viennoise de la fin du XIXe siècle à l'austro fascisme.

 

Bibliographie

 

1. Adorno, Theodor W., "Moralité et criminalité... de Karl Kraus", in Adorno, Mots de l'étranger et autres essais. Notes sur la littérature II, trad. Lambert Berthélémy et Gilles Moutot, Paris: Editions de la Maison des Sciences de l'homme (collection Philia), 2004, p. 96-118.

2. Benjamin, Walter, “Karl Kraus”, trad. Rainer Rochlitz, in W. Benjamin, Œuvres, t. 2, Paris, Gallimard, 2000 (Folio essais, vol. 373), p. 228-273.

3. Canetti, Elias, "Karl Kraus. École de la résistance" et ""Le nouveau Karl Kraus", in Canetti, La Conscience des mots, trad. Roger Lewinter, Paris, Albin Michel, 1984, p. 51-64 et 291-318.

4. Le Rider, Jacques, Modernité viennoise et crises de l'identité, Paris, PUF, 1990; deuxième édition, 1994; réédition en coll. Quadrige, 2000.

5. Le Rider, Jacques,  Les Juifs viennois à la Belle Époque, Paris, Albin Michel (collection « Présences du judaïsme »), 2013.

 

Vient de paraître: "La censure à l'œuvre. Freud, Kraus, Schnitzler"

http://www.editions-hermann.fr/4652-la-censure-a-l-oeuvre.html

Informations complémentaires: 

5 séances d'1h30

Séance(s): 
Mardi, 17 Novembre, 2015 - 17:15
Mardi, 24 Novembre, 2015 - 17:15
Mardi, 1 Décembre, 2015 - 17:15
Mardi, 8 Décembre, 2015 - 17:15
Mardi, 15 Décembre, 2015 - 17:15
Référence:
C15-1
Prix: 
70,00 €
Prix étudiant: 
35,00 €