Institut Universitaire Elie Wiesel

Elie Wiesel le Maître, l’Homme, l’ami

Je fais la connaissance d' Elie Wiesel au cours d’un meeting de soutien avec des juifs d’URSS.           

A cette époque le régime soviétique montrait une féroce antipathie pour toutes les formes de la vie de la culture du judaïsme.

Elie Wiesel prit la parole pour plaider la cause des « Juifs du silence » moi je m’identifiais intensément à ce combat et très vite je me suis identifié au discours passionné d’Elie Wiesel.

J’ai connu alors l’autre visage du grand écrivain, un visage souvent méconnu : il n’était pas seulement l’Homme de la Mémoire, des catastrophes et des tragédies du passé, il était aussi l’Homme résolument tourné vers l’avenir, vers la renaissance et la reconstruction du peuple juif martyrisé, persécuté, oublié et pourtant debout et vivant.

De cette année 1971 date la grande, la sincère et profonde amitié entre Elie Wiesel et moi.

Lui, le juif rescapé des Camps de la Mort, né dans une ville perdue des Carpates et moi le jeune étudiant né au Maroc, nous venions de 2 mondes apparemment très différents et pourtant très rapidement nous avons ressentis tout ce qui nous unit : Le désir d’œuvrer pour le futur du Peuple Juif, la défense intransigeante de l’Etat d’Israël menacé de destruction, le souvenir du drame, vécu par les Juifs entre 1939 et 1945. L’amour de la culture juive, la passion du livre la volonté d’étudier, de savoir et de comprendre.

Cette rencontre m’a permis de découvrir une personnalité exceptionnelle : ce témoin sans concession et sans complaisance de l’horreur de la guerre, un écrivain lucide et profond, un dramaturge mettant en scène sa vie, ses croyances et ses doutes à travers la multiplicité de ses personnages.

Combattant pour les droits de l’Homme et pour la paix entre les peuples. Bref non seulement un penseur, mais aussi un acteur des grandes causes de notre temps…  Pour Elie Wiesel, une société qui tourne le dos aux drames et aux traumatismes des hommes, qui se réfugie dans un oubli confortable, loin des tragédies et des déchirements, qui renonce à affronter avec courage les réalités de l'histoire, risque de sombrer dans un marasme moral, intellectuel et spirituel. La construction de l'avenir exige la connaissance du passé, avec ses lumières et ses ombres. Le courage de se souvenir ouvre les portes d'un monde plus libre, plus juste et plus pacifique. Le monde fécond et créatif de la vie de l'esprit, dans l'universalité et dans l'arc-en-ciel des singularités.

C'est le grand enseignement d'Elie Wiesel : après la catastrophe et la barbarie, œuvrer pour un retour à la culture, dans sa diversité, dans sa richesse, dans sa profondeur. C'est la mission de l'Institut Universitaire d'Etudes Juives Elie Wiesel, né d'un désir intense de renaissance des lumières du savoir après la traversée des ténèbres de la Nuit et du Brouillard.

Elie était un grand juif, un juif de cœur, de convictions et de luttes.

Brillant intellectuel, audacieux, qui a consacré toute son énergie et sa passion à dénoncer les tentations du totalitarisme les passions de la haine et le négationnisme des drames de l'histoire juive de la Shoah. C'était un rescapé des camps de la mort, mais aussi un fervent penseur de l'avenir et de l'espérance, du refus du désespoir et de l'oubli.

Il fut, pour nous, une exceptionnelle leçon d'humanité, attentif et bouleversé.

Ses mots continuent à résonner comme une invitation audacieuse : l'écrivain qui a témoigné de l'horreur et de la barbarie, dans « La Nuit », nous invitait à savoir attendre la naissance du jour.

Mais il n’était seulement un juif, il était par-dessus tout un « Mentsh », un Homme dans le sens le plus profond et intense du mot. Son humanisme et son universalisme allait de pair avec une remarquable conscience juive, il trouvait dans la Bible, les écrits des Prophètes, dans les Maximes des Sages, du Talmud et du Midrach, dans les Proverbes des Maîtres Hassidiques, la dimension spirituelle pour la vie juive de l’avenir, de là son inquiétude pour le judaïsme français, auquel il était fortement lié – chaque visite en France était pour lui l’occasion de dialoguer avec une Communauté perplexe s’interrogeant sur le sens de l’aventure Juive.  

                                                                            Raphy Marciano